Communication : HomoSFèRe quitte l’Inter-LGBT
À la suite de l’Assemblée générale de l’Inter-LGBT des 4 et 5 septembre derniers, le Conseil d’Administration d’HomoSFèRe s’est réuni pour tirer toutes les conséquences des conditions calamiteuses dans lesquelles celle-ci s’est déroulée et de la situation préoccupante dans laquelle l’Inter-LGBT se trouve depuis quelques temps déjà. La question qui s’est posée aux membres du Conseil d’Administration a été de savoir comment il serait désormais possible à notre association de continuer à cautionner les procédés utilisés au sein de la structure et plus particulièrement par sa gouvernance. Des dérives successives avaient été observées au cours des derniers mois, tant dans ses prises de position que dans son fonctionnement interne et l’assemblée générale en a été le paroxysme.
HomoSFèRe a rejoint l’Inter-LGBT en 2010 peu après sa création, car l’association était déjà convaincue de l’importance d’agréger les différents mouvements LGBT autour des combats principaux, dans un esprit de convergence des luttes et soucieuse de contribuer à la réussite d’actions collectives. Depuis lors, HomoSFèRe n’a pas ménagé ses efforts, se distinguant par son assiduité exemplaire et sa représentation dans de nombreuses instances et commissions, par son bénévolat assidu, allant parfois jusqu’à la rétrocession de la subvention accordée par l’inter-LGBT, sa contribution à la mobilisation pour les grandes manifestations de 2012 et 2013 en faveur du mariage pour tous, etc.
L’engagement d’HomoSFèRe dans le combat pour l’égalité des droits et contre les LGBT-phobies reste entier aujourd’hui comme au premier jour. Il nous faut cependant, comme d’autres, déplorer, dans la continuité des tristes constats dressés par les associations MAG Jeunes LGBT, GLUP, CAELIF et par l’APGL, des agissements au sein de la structure qui ne permettent plus d’espérer que les conditions soient encore réunies pour y exprimer nos valeurs et contribuer à de réelles avancées dans les combats qui nous animent.
Le Conseil d’Administration de l’association HomoSFèRe tient à manifester son extrême défiance à l’égard des procédés en vigueur à l’Inter-LGBT, tant sur l’application des statuts à géométrie variable que sur des propositions telles que la remise en cause de l’expression démocratique du vote à bulletin secret. Et la situation dénoncée par ces associations ne date pas d’aujourd’hui. Depuis un moment déjà l’Inter-LGBT s’affaiblit et ne joue plus son rôle. Nous avons notamment observé :
• une absence totale de stratégie politique qui affaiblit nos combats, un engagement frileux très en-dessous des besoins et des enjeux de nos communautés excluant certaines minorités : des débats incessants sur les signatures avec astérisques qui amènent à ne pas soutenir certaines populations LGBT précarisées, le verrouillage total du débat sur la GPA au prétexte d’un féminisme autoritaire porté par une délégation que plus personne n’ose contredire de peur de se faire taxer de sexisme, … ;
• un désintérêt complet vis-à-vis des questions liées au travail et à l’emploi, raison d’être première d’HomoSFèRe, alors qu’il s’agit d’un des espaces principaux de la discrimination au quotidien et à grande échelle, dans lequel de nombreux combats restent à mener, à l’échelle nationale comme dans chaque entreprise sur le terrain. Il en résulte une désaffection de la plupart des associations travail, qui ont presque toutes cessé de venir aux réunions et au mieux donnent pouvoir pour les représenter ;
• des messages que nous avons jugés comme beaucoup d’autres assimilateurs ou, qui vont à l’encontre des valeurs d’HomoSFèRe, avec en point d’orgue l’affiche et le mot d’ordre initial de la dernière Marche des Fiertés, qui même s’il a été changé a pour autant existé ;
• des manœuvres incessantes autour des statuts et des modes de gouvernance , qui ne servent que les intérêts personnels et les intrigues de quelques un-e-s, mais nuisent au débat démocratique et à la qualité des travaux ;
• des pratiques dignes des procès staliniens pour discréditer et faire partir celles et ceux qui ont exprimé une voix différente.
La situation actuelle n’est pas sans rappeler la situation vécue au sein du Collectif Homoboulot en 2012, dont les objectifs correspondaient naturellement à notre mission, comme à une moitié de ses membres. Ses statuts avaient été déposés en cachette par un groupe soucieux de s’en emparer en diluant la représentativité des associations. Les similitudes entre le projet de structure mené au sein du collectif Homoboulot et le projet de restructuration qui a été proposé à l’Inter-LGBT sont en effet troublantes : éloignement progressif des associations du processus de décisions, mise en avant de personnes physiques, …
À plusieurs reprises, des cas d’homophobie au travail ont été signalés à l’Inter-LGBT sans que ceux-ci ne soient considérés comme des sujets nécessitant un traitement. Le cas de Pizza Hut et de son livreur victime de harcèlement moral est un bon exemple de la passivité et de l’indifférence de l’Inter-LGBT en matière de lutte contre l’homophobie au travail, alors même que cette affaire avait retenu l’attention de nombreux médias généralistes nationaux.. Il semble que cette thématique ait toujours été le parent pauvre de la structure. D’ailleurs les associations professionnelles désertent l’Inter-LGBT ou choisissent le statut de membre associé qui permet de les évincer du débat, elles comme d’autres.
A ce propos, comment l’Inter-LGBT peut-elle encore se dire représentative du milieu associatif LGBT quand lors de l’assemblée générale des 4 et 5 septembre, seules 28 associations avaient réadhéré sur un total de plus de 60 associations il y a encore deux ans. Comment expliquer qu’à quelques jours de la marche des fiertés, la réunion du pôle politique n’ait pas obtenu de quorum … ? Comment les décisions d’une structure telle que l’Inter-LGBT peuvent-elles être prises dans de telles conditions ?
La restructuration et les nouveaux statuts qu’on nous a vendus comme étant la panacée, n’ont fait que compliquer le fonctionnement. La question du porte-parolat n’est curieusement toujours pas réglée et il convient de s’interroger à qui cela profite.
En ce qui concerne l’affiche et le mot d’ordre de la marche des fiertés 2015, HomoSFèRe s’était élevée contre cette affiche et son mot d’ordre associé mais ne s’est jamais sentie entendue au sein des instances. De même, lors de la réunion du pôle politique du 21/04/2015 qui a suivi la réunion de crise du 14/04/2015, HomoSFèRe avait dénoncé publiquement les conditions dans lesquelles cette affiche avait été sélectionnée et maintenue, en particulier l’absence d’informations aux associations sur ce qu’avait réellement été le projet des graphistes. Et pour autant, quand le projet réel a été connu, le vote a été maintenu malgré les irrégularités que ce manque d’information avait entraînées au moment du vote initial et du vote de maintien !
Le 4 septembre 2015, à quelques heures de l’AG, après avoir pris connaissance du rapport moral du CA de l’Inter-LGBT, HomoSFèRe a fait savoir par mail sa surprise et son inquiétude au président de l’Inter-LGBT face à ce qui ressemblait avant tout à un règlement de comptes manifeste avec des reproches caractéristiques vers des personnes au lieu de valoriser le travail réalisé dans l’année, tout en prétendant être un appel à l’apaisement. HomoSFèRe n’a jamais reçu aucune réponse de sa part.
Déjà fin juin, à la suite de divers incidents désagréables qui avaient ponctué l’année associative et qui avaient amené le CA d’HomoSFèRe à exprimer une certaine méfiance à l’égard de la façon dont l’association était traitée en interne sur les événements organisés, une alerte avait été remontée au président de l’Inter-LGBT. Celui-ci s’était voulu rassurant et nous avait envoyé un courrier lénifiant qui ne réglait rien. L’atmosphère en ce début d’année inter-associative laisse à penser que les problèmes vont perdurer.
C’est d’ailleurs la première fois qu’un débat sur la réadhésion de l’association à l’Inter-LGBT a dû faire l’objet d’une discussion lors de notre réunion de rentrée qui a eu lieu le 1er septembre 2015. La décision de réadhérer en tant qu’association active avait, malgré une certaine méfiance, été prise avant l’AG. Mais les récents événements nous ont encore une fois démontré que la solidarité, la bienveillance, le travail en commun, ne prévalent plus dans la structure mais que règnent plutôt la division, l’exclusion, la sanction à tout bout de champ. Cela ne correspond pas aux valeurs qui sont les nôtres.
La liberté d’opinion, la liberté d’expression sont en danger au sein de l’Inter-LGBT où règnent désormais la pensée unique et la censure. Les listes de diffusion sont devenues un terrain miné où aucune opinion différente ne peut être exprimée sans déclencher une vindicte, en tout cas à l’égard de certaines personnes. Aucun débat contradictoire n’est plus possible. HomoSFèRe ne peut cautionner une telle ambiance dans une structure où l’expression de chacune et de chacun doit être possible.
Nous nous souvenons de la qualité des débats, à notre arrivée en 2010, dans les instances à la commission politique et au conseil des associations sous la présidence de Jan Van den Bosch. Le débat politique existait et l’esprit inter-associatif aussi. Le président, pendant ses mandats, faisait en sorte que les conflits soient réglés – car les conflits existent dans tout collectif. Le président y jouait son rôle avec fermeté et bienveillance. Son CA ne réglait pas de comptes avec d’autres membres des instances. Le CA de l’Inter-LGBT à cette époque-là travaillait au bon fonctionnement de l’Inter-associative.
Tant que la gouvernance de l’Inter-LGBT se prêtera à l’exclusion, à la division pour mieux régner, à l’opacité des décisions, à la rétention d’informations, au verrouillage de la structure en utilisant de plus en plus les statuts, tant qu’elle servira les intérêts personnels de certains en mal de reconnaissance, tant que le CA s’accaparera tous les pouvoirs de manière abusive en entraînant les associations et l’Inter-LGBT vers le degré zéro du débat politique et du militantisme, HomoSFèRe gardera ses distances avec cette Inter-LGBT. Car l’Inter-LGBT actuelle est celle que certains opportunistes veuillent qu’elle soit car cela sert leurs intérêts.
HomoSFèRe veut croire que le réveil et la prise de conscience finiront par arriver et que les associations reprendront les rênes de ce formidable outil politique que la structure a pu être et peut encore être.
En conclusion, face à tous ces dysfonctionnements, face à l’incapacité actuelle de l’Inter-LGBT à répondre à nos attentes et à porter haut et fort les revendications pour les droits des LGBT, face à la perte de légitimité de l’Inter-LGBT à représenter les LGBT dans leur ensemble, face à la volonté à peine déguisée d’une minorité agissante de s’approprier la Marche des Fiertés pour en faire une « techno parade bis », face à la dépolitisation drastique de l’Inter-LGBT au profit d’événements conviviaux pour tenter de combler la vacuité politique du débat, HomoSFèRe est obligée d’en tirer les conséquences.
C’est avec tristesse et inquiétude pour notre mouvement qu’en réunion extraordinaire du 21 septembre 2015, le Conseil d’administration a voté à l’unanimité le départ d’HomoSFèRe de l’Inter-LGBT.
Cette décision est prise sans gaité de cœur et signe le constat alarmant de ce qu’est devenue la principale association de défense des droits des LGBT en France.
HomoSFèRe indique qu’elle continuera à travailler avec toutes les associations avec lesquelles elle a eu grand plaisir à collaborer et à militer toutes ces années.
Catherine Blairon, Sylvie Fondacci, Pascal Lobry, Grégory Macé, Valérie Massey, Isabelle Morison
Le Conseil d’Administration
HomoSFèRe
L’Association des LGBT du Groupe Numericable-SFR et de leurs ami-e-s contact@homosfere.org
c/o Maison des Associations du Ve arrondissement 4, rue des Arènes 75005 Paris