LEMONDE.FR

LE MONDE | 02.09.2012 à 08h19 – Par Francine Aizicovici

 

 

Son « projet », comme il dit, il l’a conçu au mois d’août, avec son compagnon : élever ensemble un enfant, obtenu « par procréation avec une femme, par l’adoption, par une mère porteuse, etc. » Tous les moyens seront bons pour Julien, 35 ans, dont les parents ne sont pas encore au courant de son intention.

 

Mais il sait que le chemin sera compliqué. L’adoption par un couple homosexuel et le recours à une mère porteuse ne sont pas autorisés en France. Aussi, la décision de son employeur, l’opérateur de télécommunications SFR, d’accorder, à partir du 1er septembre, aux salariés homosexuels un congé de parentalité de onze jours, l’équivalent du congé paternité, « c’est une épine dans le pied en moins, se réjouit Julien. Cela me rend plus serein. Quand mon enfant arrivera, il sera important que je sois à ses côtés, les premiers jours, avec mon ami ».

 

Cependant, le dispositif ne concerne pas toutes les situations : il vise le salarié vivant en couple – pacsé ou non – avec une personne de même sexe « qui va avoir un enfant », indique SFR. Sont donc concernés la compagne d’une femme qui va accoucher, ainsi que le compagnon du père biologique d’un enfant à naître. L’extension aux situations d’adoption est « en cours de réflexion ».

 

La demande de congé parentalité, dont la confidentialité est garantie, nécessite la présentation de l’acte de naissance ou d’adoption, ainsi qu’un justificatif de vie commune.

 

Comme lors d’un congé paternité, le salarié percevra 100 % de son salaire s’il a six mois d’ancienneté. Seule différence : dans le cas du congé paternité, la rémunération inclut des indemnités journalières versées par la Sécurité sociale au père, qui sont complétées par l’employeur. Tandis que le congé de parentalité n’ouvre pas droit à ces indemnités. Toute la rémunération est donc à la charge de l’employeur.

 

Cette initiative vient d’une idée défendue par HomoSFèRe, l’association des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) du groupe SFR et de leurs ami(e)s. Créée en 2009 pour sensibiliser le personnel à la lutte contre l’homophobie, HomoSFèRe avait été contactée, en mai 2011, par une salariée vivant en couple avec une femme.

 

« Elle voulait savoir si elle pourrait bénéficier du congé paternité quand son amie aurait accouché, précise Sylvie Fondacci, présidente de l’association. Je pensais que SFR pouvait accepter et j’ai porté cette demande auprès de la direction et des syndicats. » En janvier 2011, « la direction générale des ressources humaines nous a donné un accord de principe », raconte Mme Fondacci.

 

Le dispositif est alors inscrit dans le projet d’accord égalité professionnelle entre femmes et hommes, dont la négociation échouera, mais « pas à cause du congé de parentalité », précise-t-elle. Celui-ci est donc mis en place par l’employeur de manière unilatérale. Pour SFR, « s’il y avait des demandes, il fallait les honorer et agir ainsi pour l’égalité ».

 

La question du coût de la prise en charge « n’a pas été un problème, précise Mme Fondacci. Sur un effectif de 10 000 salariés, très peu sont concernés ».

 

Quant aux syndicats, « ils ont soutenu ce projet ». Elle relève toutefois qu’« avant la création de l’association, ils ne s’étaient pas emparés du sujet, parce que c’est tabou ». Les syndicats que nous avons contactés n’ont pas répondu à nos sollicitations.

 

Malgré cette avancée, « des homosexuels continuent à se cacher chez SFR », déplore Mme Fondacci, craignant qu’ils se refusent à demander le bénéfice de leurs droits ou même à contacter l’association.

 

Ils se protègent de ce qu’elle-même a subi au cours de sa vie professionnelle ou de ce dont elle a été témoin : discrimination, propos déplacés, moqueries. Aussi, pour elle, « il faut rassurer le plus possible les salariés LGBT ».

Ce qu’elle attend maintenant, c’est que « la direction prenne la parole sur l’Intranet pour dire qu’aucun comportement homophobe ne sera toléré. Cela n’a jamais été fait ».

 

Francine Aizicovici