«La parole au plus haut niveau de l’entreprise a une valeur d’exemplarité et peut faire bouger les mentalités»
Source Yagg pro
http://yaggpro.com/2013/09/19/la-parole-au-plus-haut-niveau-de-lentreprise-a-une-valeur-dexemplarite-et-peut-faire-bouger-les-mentalites/
Par Christophe Martet le 19 septembre 2013 16 h 24 min
Pas encore intégrée à la politique diversité de nombre d’entreprises, la prise en compte de l’orientation sexuelle et de l’indentité de genre est cependant une réalité pour certains grandes sociétés (Accenture, Randstad, IBM, Orange, Michael Page, …) qui ont d’ailleurs signé une Charte de la diversité LGBT (lire Neuf organisations signent la Charte d’Engagement LGBT de L’Autre Cercle). Chez SFR (non signataire), des actions ont été entreprises depuis plusieurs années (lire SFR accorde un congé de parentalité à ses collaborateurs homosexuels). Dernière en date, une conférence («La place des minorités invisibles dans la politique diversité de l’entreprise : le cas de l’orientation sexuelle») consacrée à la politique de l’entreprise en matière de diversité LGBT et animée par Christophe Falcoz. Nous avons demandé à Sylvie Fondacci, présidente de l’association HomoSFèRe, de revenir sur cet événement pour Yagg Pro.
Comment l’association HomoSFèRe est-elle arrivée à convaincre la direction de SFR d’organiser cette conférence au sein de l’entreprise?
Depuis la création de l’association, nous avons entretenu un dialogue constant avec la Direction de SFR. Cette conférence était une demande parmi d’autres, destinées à contribuer à la visibilité et à la prise en compte de la diversité spécifique que sont les lesbiennes, les gays, les bi et les trans dans l’entreprise.
Le 17 mai 2013, comme chaque année, pour la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, HomoSFèRe a organisé au siège et sur différents sites de SFR une action de sensibilisation auprès des collaborateurs sur les discriminations à raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Ce jour-là, la ministre des Droits des Femmes et porte-parole du gouvernement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, a choisi de venir rendre visite à HomoSFèRe lors de son action au siège de SFR. Et c’est à cette occasion qu’une série de demandes a été à nouveau portée à l’attention de la Direction générale dont la prise de parole d’un haut dirigeant et un événement qui permette de faire le focus sur les LGBT, diversité encore placardisée et sur laquelle HomoSFèRe communique à la place de l’entreprise. En 2012, une conférence avait eu lieu chez SFR sur le thème «L’orientation sexuelle a-t-elle sa place dans l’entreprise ?» animée par Elisabeth Ronzier, présidente de SOS homophobie. La conférence de cette année a bénéficié d’une opération de communication en interne plus large, de l’auditorium du siège qui est un lieu prestigieux et ce qui a constitué une réelle différence, c’est cette prise de parole au plus haut niveau de l’entreprise que nous souhaitions tant, même si elle s’est faite en vidéo et en l’absence de la DGRH dans la salle.
Pourquoi est-ce si important qu’une entreprise s’engage dans la diversité et notamment sur la question de l’orientation sexuelle et l’identité de genre ?
Trop souvent dans le monde du travail, des LGBT se cachent par peur du jugement et du regard des autres, c’est à la fois néfaste pour eux mais aussi pour l’entreprise. Ils-elles se cachent aussi de peur que leur coming-out nuise à leur carrière.
On doit pouvoir raconter son week-end comme ses collègues hétéros à la machine à café le lundi matin. On doit pouvoir être soi-même et parler de sa vie privée au travail comme tout un chacun.
Le lieu de travail est un endroit où on passe beaucoup de temps. La vie privée s’invite dans la vie professionnelle, à travers les discussions entre collègues, les photos des enfants sur les bureaux, les pots de mariage et de naissance, … J’ai déjà vu des collègues s’inventer un compagnon ou une compagne de sexe opposé ou utiliser le terme «mon ami» si commode en français puisqu’il ne permet pas de savoir si l’on parle d’un homme ou d’une femme.
Quel impact peut avoir la parole des dirigeant.e.s?
Les discriminations ou le sentiment de discrimination entraînent dans l’entreprise une perte d’efficacité individuelle et collective et à l’extérieur de l’entreprise un doute et une remise en cause des valeurs promues par l’entreprise. La parole officielle au plus haut niveau de l’entreprise a une valeur d’exemplarité et peut vraiment faire bouger les mentalités en faisant prendre conscience que certains propos et certaines attitudes n’ont pas leur place sur le lieu de travail.
Y a-t-il eu des obstacles à lever ?
L’obstacle à lever est sans doute qu’un plus large public vienne assister à ce type d’événements. C’est pourquoi l’entreprise doit renouveler ce type d’événements pour sensibiliser de plus en plus les salarié-e-s au sujet afin que celui-ci soit mis sur un pied d’égalité avec d’autres sujets importants. La visite de la ministre le 17 mai avait aussi marqué les esprits. Il a été rappelé pendant la conférence que cette action faisait suite à sa visite aussi.
Quelles ont été les réactions du personnel?
Depuis que la conférence a eu lieu, nous avons eu beaucoup de retours positifs de salarié-e-s qui ont assisté à l’événement ou qui l’ont suivie depuis leur bureau à distance en «live chat». Ces réactions ont été plus marquées et plus nombreuses que l’année précédente.
La direction a-t-elle pris des engagements à l’occasion de cette conférence ?
La DGRH était absente à la conférence et la parole de l’entreprise a pris la forme d’une interview en vidéo dans laquelle le PDG s’est engagé au nom de SFR à être vigilant contre tous propos déplacés, à valoriser cette diversité comme toute autre. Il se trouve que nous avons changé de PDG depuis que cette vidéo a été réalisée (juin 2013). Toutefois, il s’agit de l’engagement de SFR et le simple fait de l’avoir projetée au cours de cette conférence valide cet engagement car la projection n’a pu être faite qu’avec l’aval de la Direction en place. SFR ayant une politique diversité et ayant obtenu le Label Diversité en 2010, nous demandons que l’orientation sexuelle et l’identité de genre, deux des 19 critères de discrimination prohibés par la loi, soient pris en compte officiellement dans cette politique comme le sont d’autres critères tels que le handicap avec l’organisation de focus et d’événements sur le sujet. Les autres engagements que nous avons formulés, n’ont pas à ce stade reçu de réponse.
Nous avons bien sûr demandé les raisons de l’absence de la DGRH à la conférence, étant donné que c’est un acteur important sur ces sujets. On nous a avancé que d’autres sujets plus importants expliquaient son indisponibilité. HomoSFèRe déplore que les questions économiques prennent bien vite le pas sur le sujet des LGBT. Nous veillerons donc dans le contexte actuel à ce que le sujet ne passe pas à la trappe.
Les problèmes rencontrées par les personnes trans’ sont-ils bien appréhendés par la direction?
Pour ce qui de l’identité de genre, nous avons accompagné en interne il y a deux ans une personne trans’ en difficulté sur son lieu de travail. Elle a pu conserver son emploi, et effectuer sa transition dans de bonnes conditions. Nous avons pu constater que la DRH et les managers étaient démunis sur la question. C’est grâce à l’accompagnement d’HomoSFèRe et à l’intervention d’une spécialiste des questions trans, qu’on a pu faire de la pédagogie en mettant autour d’une table la personne concernée, cette spécialiste, les managers, le responsable diversité et moi-même. Une sensibilisation des collègues de cette salariée a pu être effectuée ce qui a désamorcé la situation dans l’équipe. Nous restons vigilants sur ces sujets.
C’est HomoSFèRe qui a mis tout le monde autour d’une table pour trouver des solutions: une note de service a été diffusée dans l’équipe pour dire qu’aucune parole déplacée ne serait tolérée. Son badge, sa fiche sur l’Intranet ont été modifiés avec sa nouvelle photo et son nouveau prénom. De même, son adresse mail professionnelle a pris en compte son nouveau prénom. Elle entame aujourd’hui la procédure de changement d’état civil. La DRH a fait le nécessaire car elle était accompagnée sur le sujet par l’association. Elle doit s’emparer de ces sujets. C’est ce que nous demandons.
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