Congés parentaux, droits du pacsé : certaines entreprises font de l’égalité de traitement des homosexuels une bataille. Mais les discriminations et l’autocensure en limitent la portée.
Par Adeline Farge
Que faire quand on est une salariée pacsée avec sa compagne et que l’on désire un enfant ? A-t-on le droit à un congé de «paternité» ?
En début d’année, une collaboratrice de SFR interroge sa direction ; elle est appuyée en interne par l’association Homosfère. L’opérateur téléphonique s’engage alors, le Ier février, à faire un pas en avant, dans le cadre de l’accord sur l’égalité professionnelle hommes-femmes. Les LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) bénéficieront des onze jours prévus à la naissance d’un enfant, des congés parentaux et événements familiaux. Une initiative encore rare, car SFR devance la loi quand beaucoup d’employeurs préfèrent se retrancher derrière. En janvier, une policière lyonnaise qui avait demandé un congé de trois jours après l’accouchement de sa compagne n’a pas eu cette chance : son chef de service et sa direction départementale lui ont opposé une fin de non-recevoir.
Reste que les congés parentaux ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale pour les couples de même sexe. C’est donc à l’employeur de payer. Mais, pour les entreprises gay-friendly, telles qu’Eau de Paris, Monoprix, Randstad ou Air France, l’argument pèse peu.
«Leur coût reste faible.Les homosexuels ne représentent que 5 à 10% des salariés, ceux qui sont en couple et ont un projet d’enfants sont encore moins nombreux», plaide Isabelle Morison, chargée de l’homoparentalité chez Homosfère.
Sensibilisation. Contrairement aux pays anglo-saxons, plus en avance sur ces politiques, ila fallu attendre les années 2000 et l’arrivée du Pacs pour que les mentalités hexagonales bougent. Héritier de sa maison mère, IBM France fait figure d’avant-gardiste. Ses salariés sont tenus de signer tous les ans une charte de bonne conduite, et une formation «sexisme ethomophobie : même origine » a été instaurée avec la fédération de lutte contre l’homophobie L’Autre Cercle. Sous l’impulsion d’un sponsor mis en place au conseil exécutif,le groupe a aussi créé un réseau d’employés LGBT en collaboration avec les différentes filiales et participe à l’European Gay and Lesbian Managers Association. Lors des séminaires de celle-ci, chacun vient témoigner de son vécu afin de se redonner confiance.
«Le monde hétéronormé nuit au développement des potentiels des collaborateurs. Ils ne peuvent pas faire leur coming out, ce qui est du temps perdu pour la productivité en entreprise. Dans le management, on tient compte de la diversité pour créer performance et sentiment d’appartenance à l’entreprise», note Jean-Louis Carvès, responsable diversité.
Fidélisation. Dans les métiers à forte valeur ajoutée, le gay-friendly devient un argument pour recruter les meilleurs et « ne pas perdre les talents pour de mauvaises raisons. On travaille sur la singularité de chacun pour apporter richesse et développement », abonde Armelle Carminati, DG diversité d’Accenture Monde, récompensée du grand prix de la Diversité de L’Autre Cercle en 2012.
La moitié des Français se prononçant pour le mariage gay et l’adoption par des couples homosexuels, le respect des collaborateurs est un atout pour séduire les clients. À Nice, l’office de tourisme propose le label Gay Comfort. Signataire, l’hôtel Le Méridien a octroyé le congé de mariage et de parentalité aux couples de même sexe. Malgré ces avancées, une barrière subsiste : la réticence à révéler des éléments de vie privée. De nombreux LGBT hésitent à inscrire leur conjoint sur leur mutuelle d’entreprise. De peur que cela se sache. Les salariés de SFR doivent faire leur demande auprès de la DRH et du manager.
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Source : Liaisons Sociales Magazine