Chat avec l’Association des Médecins Gais: « Notre travail est avant tout d’être médecins »

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Philippe Lagrée et Nicolas Foureur, de l’Association des médecins gais sont venus chatteur avec les yaggeurs et les yaggeuses le 9 mars dernier. Voici la retranscription complète des échanges.

 

Chris: Bonjour. Avez-vous beaucoup de femmes médecins lesbiennes dans votre association?

PL: Trop peu et ce depuis le début de l’association. L’explication ne peut pas être celle d’un machisme des membres hommes de l’AMG puisqu’il y a d’autres associations gays mixtes. Ces derniers temps, nous avons quelques nouvelles recrues femmes.

NF: Non et nous en sommes désolés. Probablement l’histoire de l’AMG fait-elle qu’il n’y a ni lesbienne, ni trans’ dans l’association ou quasiment pas. Et nous avons plusieurs projets pour faire évoluer cela: un travail pour une brochure concernant la santé lesbienne en lien avec d’autres associations, un débat dimanche 13 mars, concernant la transidentité.

PL: une dernière remarque concernant cela. Il y a de plus en plus de femmes qui nous appellent lors de nos permanences téléphoniques. Notamment sur des questions de santé et de procréation.

Pikachu: Bonjour. Je suis actuellement étudiant en médecine et très intéressé par les actions de votre association. Je voulais savoir quelles étaient les réactions (positives, encourageantes, mauvaises, réactionnaires, indifférentes…) de vos confrères (quelles que soient leur orientation sexuelle ou leur spécialité médicale) au fait que vous soyez « labellisés » publiquement médecins LGBT, et je voulais savoir par quel moyens vous affichez votre affiliation à l’AMG (sur votre plaque, dans votre cabinet, sur vos ordonnances…).

PL: Bonjour Pikachu. Pendant très longtemps, la réaction des confrères était la réticence. C’est pour cela que l’association s’est créée. C’était effectivement lié à un rejet de certains patients par les médecins mais aussi le caractère macho qui régnait et qui règne toujours dans le corps médical. Il y a peu, un reportage fait pour France 5 montrait un confrère syndicaliste faire le lien entre médecin gay friendly et médecin spécialisé pour les juifs, les arabes, etc. Mais restons optimistes. Il y a peu nous avons contacté le syndicat MG France, premier syndicat de généralistes français, qui souhaite collaborer avec nous.

NF: Un, l’homophobie des collègues et parfois même de collègues homosexuels eux-mêmes et deuxièmement la question de la médecine communautaire très refusée dans l’idéologie française. Nous avons rédigé une brochure concernant la santé gay en partenariat avec Aides, pour motiver nos collègues à tenir compte de la sexualité de leurs patients. Elle est disponible en ligne sur le site de l’association.

bobby: Étudiante en médecine depuis quelques années, il me semble que le monde hospitalier n’est pas vraiment gay-friendly. Ne pensez vous pas que pour un jeune interne, afficher son homosexualité peut s’avérer compliqué?

NF: Oui, c’est compliqué au quotidien, dans un monde hospitalier hétéronormé et potentiellement un frein pour sa carrière. Il faut faire avec.

PL: Quand j’ai commencé mes études de médecine, toute la société était hétéronormée mais il faut reconnaître que le milieu universitaire médical a beaucoup de mal à évoluer. L’époque du bizutage n’est pas révolue.

NF: Probablement, les questions communautaires seront de plus en plus entendues avec le temps comme c’est le cas avec les droits des patients par exemple.

Pierre: Quelle est l’utilité d’une association des Médecins gays? Pourquoi prendre un médecin gay alors que le serment de l’ordre français des médecins de 1996 (source Wikipedia France à « serment d’Hippocrate ») dit que: « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. » et plus loin: « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera. ».

PL: Il y a deux choses à répondre. premièrement, nous l’avons dit tout à l’heure, la société médicale reste très coincée par rapport à la sexualité en général et à l’homosexualité en particulier que l’on ait prêté serment ou pas. Le deuxième point, c’est qu’un médecin gay-friendly a une connaissance de particularités d’un patient gay ou lesbienne. Il ne s’agit donc pas seulement de tolérance mais aussi de connaissance. Exemple: il y a peu, un appelant sur notre ligne téléphonique souhaitait connaître les risques du poppers il venait d’en parler à son médecin traitant qui ne connaissait pas ce produit.

NF: Premièrement, c’est dans le meilleur intérêt du patient en terme de connaissances. Deuxièmement, c’est pour éventuellement mieux respecter ses volontés car il est mieux compris, et troisièmement, c’est une lutte contre l’homophobie. Mais au final, personne n’est obligé d’y avoir recours.

Ho My Doc 94!: Bonjour. Combien de médecins sont membres et quels sont les spécialistes qui font parti de votre association? Aucune liste de professionnels n’est accessible online. Votre accessibilité n’est-elle qu’une permanence tél? Quel est donc le but de votre association si les médecins qui y adhérent n’ont pas de visibilité et sont encore en quelque sorte « au placard »…

PL: Il y a environ 200 médecins et paramédicaux (kinés, psychologues, etc.) à l’AMG. Les principales spécialités représentées sont la médecine générale, la psychiatrie, la dermato. Il y a aussi des ORL, des proctologues, des urologues, des gynécologues, Effectivement, la liste des membres de l’association ne peut pas être rendue publique sur Internet. Le Conseil de l’Ordre des médecins l’interdit et ce n’est pas déontologique. Pour obtenir des informations, il faut donc effectivement contacter notre permanence téléphonique au 01 48 05 81 71. Vous pouvez aussi contacter d’autres associations avec qui nous collaborons (RAVAD, Le Refuge, Aides, Basiliade, etc.) Notre activité ne s’arrête pas à ces permanences téléphoniques puisque nous collaborons à la réalisation de brochures d’informations concernant les différents aspects de la vie gay et lesbienne: la sexualité des gays séropositifs, la sexualité des femmes entre elles.

NF: C’est vrai que certains adhérents expriment le désir de ne pas être outé via l’AMG. Notamment des psychiatres, Nous en parlons régulièrement, mais respectons avant tout les choix individuels et défendons la tolérance.

sev49: Bonsoir, un de mes amis gay est porteur du vih depuis peu. Ses médecins, à plusieurs reprises, lui ont confirmé qu’on ne mourait plus du vih à condition de respecter scrupuleusement toute sa vie le traitement qu’il prend. Du coup, mon ami et et moi en avons discuté et on se pose la question suivante : un traitement à vie ne peut-il pas être transformé en anti-virus ?

Sev49, votre question concerne-t-elle une éventuelle vaccination ou l’absence d’un patient sous traitement? L’absence de transmission par un patient sous traitement.

misson: Quelles qualités mettez-vous en avant dans votre pratique ? Le fait d’être gay/lesbienne n’est pas en soi suffisant, je pense, pour comprendre vos patients… Pour ma part, j’attends surtout une capacité à comprendre un mode de vie non hétéro.

NF: C’est quand même le fait de faire partie de la communauté qui nous permet d’entendre et de comprendre et de savoir ce qu’il s’y passe. De plus, l’accueil sans jugement permet sans doute aux personnes de s’exprimer plus librement Mais il n’y a pas que des médecins gays qui ont ce comportement.

PL: J’ajoute un point de vue un peu différent. Je pense que ce n’est pas le fait d’être gay qui permet de comprendre obligatoirement la santé des autres gays. C’est pourquoi il nous arrive parfois de nous définir comme gay-friendly. Dans mon cas, ce qui m’a poussé à adhérer à l’AMG ce n’est pas tout d’abord le fait d’être gay, mais le fait d’avoir dû mentir et nier mon homosexualité pendant toute ma jeunesse. Ce que je revendique pour un médecin, c’est de pouvoir comprendre chaque patient. Je ne suis pas une femme, je ne suis pas encore un vieillard, je ne suis plus un nourrisson mais je dois pouvoir soigner tout le monde.

tsb: Quelle approche pour la santé trans ? Sur le site de l’AMG vous relayez les informations des nouvelles équipes hospitalières, quel est la position de l’AMG vis à vis de ces équipes?

NF: Nous savons que le fait de donner ces adresses d’équipes hospitalières chargées officiellement de la prise en charge des trans’ en France peut choquer certain-e-s trans’ qui ne les aiment pas. Pour autant cet article a été écrit sur l’urologie dans la communauté LGBT, et pas en particulier pour les trans’. C’est plutôt dans un souci de donner des informations que nous avons mis en ligne ces adresses. Mais nous serions ravis qu’une personne trans’ dans l’idéal, un-soignant-e nous aide à améliorer notre site internet sur ces questions.

PL: J’ajoute que nous étions bien conscients, en rédigeant cet article, de mettre le doigt sur un sujet qui fait mal dans la reflexion trans’, celle d’une chirurgie ou pas. Nous savons que différentes associations trans’ ont des points de vue très différents sur cette question.

misson: Justement : Comment jonglez-vous entre les « modes » (je pense au « sans Kpot ») et la réalité? Entre le pluriel et le singulier d’une consultation? Il y a tant de fausses idées, de mensonges même qui circulent sur les traitements, les risques…

NF: Notre travail est avant tout d’être médecins. Nous sommes là pour informer, dire les vraies données médicales et traiter les maladies. Ceci est le minimum. Ensuite, chaque consultation est différente, du fait justement que la personne a ses propres pratiques voire idéologies. Au cas par cas, il s’agit d’accompagner un patient pour son meilleur intérêt.

CarolineD: Bonjour. Pensez-vous que le fait de faire son coming-out à son médecin puisse avoir un véritable impact sur son regard et ses traitements, de manière négative comme positive?

PL: C’est toujours positif pour le patient de dire qui il est sur tous les aspects, qu’ils soient sociaux, sexuels, etc. car cela permet une approche et une consultation singulière. Pour le patient, d’avoir la sensation (enfin) qu’il est entendu pour ce qu’il est. Hier matin, j’ai vu un patient qui depuis dix jours ne peut plus aller au travail suite à une rupture amoureuse. Après un début chaotique de consultation, le fait qu’il me dise qu’il venait de quitter son compagnon de dix ans a permis la prise en charge de son mal-être.

NF: Le coming out vis-à-vis de son médecin relève des mêmes problématiques que le coming-out dans d’autres circonstances. L’AMG n’est pas prosélyte sur ces questions. Ceci étant, les personnes qui nous appellent ont besoin, à un moment donné ou pour une raison particulière, de pouvoir en parler à leur médecin ou à un autre.

modérateur: Le chat est maintenant terminé… le mot de la fin à nos invités.

PL : Merci à tous les chatteurs et chatteuses pour leurs questions. Nous espérons avoir été clairs dans nos réponses. N’hésitez pas à venir visiter notre site et si vous le souhaitez, à nous contacter lors des permanences téléphoniques. NF: J’ai été surpris par la pertinence des questions et l’intérêt des personnes sur le sujet, notamment des jeunes. J’espère que ces questions communautaires trouveront leur place dans le débat public dans les années à venir. Merci et bonne soirée.

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Le site de l’Association des Médecins Gais.

Source Yagg