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27 février 2012 – Libération NEXT

Congé de paternité pour les homosexuels, bientôt une réalité dans les entreprises ?

par Quentin Girard

 

http://next.liberation.fr/sexe/01012392023-conge-de-paternite-pour-les-homosexuels-bientot-une-realite-dans-les-entreprises

 

Dix ans après l’entrée en application du congé de paternité sous le gouvernement Jospin pour les familles hétérosexuelles, certaines entreprises décident d’aller plus loin et de le proposer aussi aux couples homosexuels.

A partir du 1er mars, SFR entamera ainsi des négociations pour que cela entre dans ses accords collectifs. A terme, les conjoints homosexuels pourraient donc bénéficier de onze jours, comme les autres. «Les médias ont indiqué un peu trop vite que cela entrera en vigueur dans une semaine, mais ce n’est pas tout à fait ça», précise-t-on à la direction de l’information du groupe de téléphonie. «Ce point a été ajouté aux négociations avec les partenaires sociaux dans le cadre des discussions sur l’accord “égalité professionnelle homme femme” qui est en cours de finalisation, mais pas encore signé

 

La mesure a été portée par l’association HomoSFèRe, «l’association des lesbiennes, gays, bi et trans du groupe SFR». «C’était une vraie revendication, note la présidente Sylvie Fondacci, et la direction a été très ouverte à cette proposition». «L’entreprise peut toujours faire mieux que la loi, explique la directrice générale des ressources humaines Marie-Christine Théron dans le Figaro. Notre entreprise est très volontariste sur la diversité et sur l’égalité professionnelle.»

 

Mais, pour l’instant, ces entreprises innovantes ne sont qu’une poignée, tout du moins officiellement. «Ça ne coûte pas cher pour les entreprises», explique pourtant Jérôme Beaugé, porte-parole du collectif Homoboulot. Elles montrent comme cela qu’elles sont modernes et ouvertes.» Mais, d’un autre côté, il reconnaît que «cela prend du temps. Il y a trente ans, l’homosexualité était encore pénalisée. Il faut discuter, expliquer négocier, etc…» Il regrette que les syndicats aient dans l’ensemble du mal à s’emparer de ces questions de diversité et d’égalité, «ça irait beaucoup plus vite».

Chez Eau de Paris, depuis un accord d’entreprise de 2007, ce congé paternité pour le conjoint existe. «Au moment de la naissance ou de l’adoption, tout se passe à la DRH, il faut fournir un certificat de naissance avec l’affiliation ou une preuve que les personnes sont en couple», explique Armelle Bernard, en charge de ces questions. «Comme tout est confidentiel, on ne sait pas combien de personnes en ont profité», ajoute-t-elle.

Encore peu d’entreprises

Si les entreprises sont de bonne volonté, prouver l’affiliation pour les parents n’est pas forcément évident. Aujourd’hui, devant la loi, les familles homoparentales n’existent pas, les personnes qui sont enceintes ou font les démarches pour adopter le font officiellement en tant que célibataires. Et si parfois cela se passe bien, c’est souvent plus compliqué. Une policière lesbienne de Lyon, pacsée depuis 2007, a saisi la justice le 22 février après qu’on lui ait refusé à plusieurs reprises un congé naissance et un congé de paternité (1). «Nous avons déposé deux requêtes, explique son avocat Gabriel Versini. On nie des droits à ma cliente que l’on a accordé déjà dans d’autres départements et d’autres unités.»

 

Selon Flag!, l’association des policiers et gendarmes LGBT, le congé naissance avait jusque-là tendance à être accepté dans la police nationale. Gabriel Versini espère qu’une décision positive fasse jurisprudence.

 

Au-delà du congé paternité, ce sont toutes les problématique de l’affirmation de sa sexualité qui posent parfois problème dans l’entreprise. «Il y a encore trop de collaborateurs qui se cachent. Ils ont peur pour leur carrière, peur de faire leur coming-out», résume Sylvie Fondacci d’HomoSFèRe. «Au boulot, les gens mettent des photos de leurs enfants sur leurs bureaux, ils parlent librement de leurs week-ends ou de leurs vacances et pour beaucoup d’homosexuels, ce sont des situations et des discussions qui ne sont pas encore évidentes à avoir.» 47% des homosexuels ne se sont pas dévoilés au travail selon un sondage réalisé par l’association L’Autre Cercle, fin 2010.

Les gouvernements successifs, qui n’ont rien fait depuis le Pacs en 1999, n’ont pas aidé à faire avancer ces questions.

 

(1) Le premier dure trois jours et doit être pris à une date proche de la naissance, le second est de 11 jours et doit être pris dans les 4 mois après la naissance.

 

 

 

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Une famille homoparentale. – © AFP Jose Luis Roca