Comment rendre son entreprise « gay-friendly »?
Malgré les efforts de certaines entreprises, les discriminations homophobes sont encore fréquentes.
REUTERS/Kimberly White
L’orientation sexuelle est encore difficile à aborder dans les entreprises.
Un long chemin reste à parcourir même si quelques bonnes pratiques commencent à émerger.
Les entreprises sont encore trop souvent le théâtre de discriminations, auxquels gays, lesbiennes, bi et transsexuels (LGBT) n’échappent pas.
Selon une enquête de la fédération LGBT L’Autre Cercle, publiée ce vendredi en collaboration avec le groupe Randstad, l’orientation sexuelle est encore clairement tabou dans les bureaux. Parmi les organismes publics et privés interrogés -qui ont pourtant déjà engagé des actions contre l’homophobie-, seule la moitié considère qu’il est aisé d’aborder le sujet en interne.
Par crainte de conséquences négatives sur leurs carrières et leurs conditions de vie, les personnes concernées gardent le silence : selon une étude 2010 de L’Autre Cercle en 2010, les deux tiers des salariés LGBT préféraient se taire. Pourtant, favoriser la diversité procure « un avantage évident pour les ressources humaines », estime Abdel Aïssou, directeur général du groupe d’intérim Randstad et président de l’Institut du même nom.
« Afficher son engagement « gay-friendly », et l’appliquer, attire les compétences des meilleurs éléments, sans distinction. De plus, pour les managers, quoi de mieux qu’une ambiance positive où chacun trouve sa place sans être discriminer? »
« Gay » et « lesbienne » ne sont pas des gros mots
Mais pour lutter efficacement contre les discriminations, encore faut-il être capable de définir des plans d’actions précis.
« La communication sur la politique anti-discrimination ne mentionne que trop rarement l’orientation sexuelle », regrette Catherine Tripon, porte-parole de L’Autre-Cercle.
54% des entreprises n’en font pas référence dans la communication externe de leur politique diversité.
« Les termes gays, lesbiennes, bi et transsexuels ne sont pourtant pas des gros mots », insiste Aline Crépin, déléguée générale de l’Institut Randstad.
Autre difficulté constatée sur le terrain : l’orientation sexuelle est souvent assimilée aux inégalités homme/femme.
« Les revendications qui attraient au genre, plus consensuelles, sont importantes évidemment, mais cela n’a rien à voir avec le fait d’être homosexuel ou non, précise Catherine Tripon.
Il ne faudrait pas que cette confusion atténue le débat autour de la discrimination envers les salariés LGBT. »
Enfin, même si l’égalité de traitement est globalement satisfaisante chez les sondés, l’étude montre que des inégalités persistent entre couples mariés et pacsés.
Dans 46% des entreprises et administrations interrogées, le conjoint pacsé du même sexe ne bénéficie pas d’un équivalent du congé paternité, contre 38% qui y ont droit. Pour 16% des pacsés, il est aussi impossible de demander certains avantages, comme des aides au logement ou des bénéfices de mutuelle et prévoyance identiques, sans préciser le sexe du conjoint.
« Pas qu’une affaire de vie privée »
Plusieurs bonnes pratiques sont encouragées par L’Autre Cercle. « Les formations et les sensibilisations des collaborateurs doivent parler distinctement de l’orientation sexuelle, cite par exemple Aline Crépin.
Trop souvent le handicap, l’origine ethnique, l’emploi des seniors, la religion et les inégalités hommes/femmes focalisent l’attention, alors qu’il existe 18 critères de discrimination.
» L’analyse fouillée des plans d’actions est importante pour que les ressources humaines puissent lutter contre l’homophobie tout en respectant la confidentialité de ceux qui souhaitent garder l’anonymat. La communication en interne est, elle aussi, encouragée lors des manifestations organisées dans l’entreprise ou d’un événement LGBT.
« Ce n’est pas parce qu’un de ses collègues affiche son homosexualité que tout va bien, précise aussi Catherine Tripon.
L’orientation sexuelle n’est pas qu’une affaire de vie privée, il faut que l’entreprise porte haut les couleurs de la lutte contre les discriminations et fasse comprendre aux pouvoirs publics que l’adoption et le mariage par des personnes de même sexe n’est pas une aberration.
» Pour Abdel Aïssou, prix de la diversité 2011 et premier signataire de la Charte contre l’homophobie, les entreprises doivent être intransigeantes : « Les blagues homophobes ou sexistes, comme celles sur les blondes, sont sanctionnées disciplinairement chez Randstad.
C’est la seule manière de faire comprendre qu’il n’y a rien d’anodin.
» Etude réalisée entre mai et septembre 2011 par L’Autre Cercle, auprès de 26 organisations publiques et privées lors d’entretiens, identifiées comme ayant déjà engagé des actions de lutte contre l’homophobie.